La mécanique infernale des institutions
Vous venez d'avoir un enfant, mais voilà au bout de quelques mois quelque chose cloche, vous allez voir un médecin qui le diagnostique autiste. C'est un choc pour vous, mais si vous vous doutez que ça va être difficile à vivre, vous ignorez encore à quel point.
Déjà le bébé pousse des cris, il ne dort que quelques heures par nuit, cela vous épuise, les voisins se plaignent du bruit. Vous ne savez pas quoi faire pour améliorer son état, à l'hôpital on ne vous propose que de faire des tests, mais vous êtes toujours laissé dans le vague.
À 3 ans vous voulez le faire entrer en maternelle, mais les professeurs se déclarent incompétents, ne le prennent qu'à contre-coeur, le laissent végéter dans son coin, car votre enfant ne se mélange pas aux autres, ne tient pas en place, a du mal à se concentrer, et fait des progrès très lents.
Comme il faut que quelqu'un s'occupe de cet enfant difficile et que certains professionnels que vous avez rencontré disent combien il est important de stimuler l'enfant, vous abandonnez votre carrière professionnelle pour vous consacrer à lui à 100 %. Vos revenus chutent de 2000 euros à 800 par mois.
Vous essayez un centre pour jeunes enfants handicapés mentaux, celui-ci est géré par un psychiatre et des éducateurs habillés façon woodstock, c'est un bâtiment perdu dans la campagne, car en général la société ne veut pas voir les handicapés. Un des éducateurs sent mauvais, or les autistes sont très réceptifs aux odeurs, vous en parlez au psychiatre qui vous répond que c'est là votre point de vue. Quand au bout de plusieurs mois, vous vous inquiétez du peu de résultats, on vous dit qu'il faut du temps, on vous informe que grâce à ce centre, un enfant a prononcé sa première onomatopée après un an, quelle efficacité ! On vous ramène votre enfant sale, avec du sable dans les cheveux. Le psychiatre a constaté que l'enfant avait mangé les biscuits et délaissé les haricots verts, vous demandez au psy ce qu'ils font dans le centre avec votre fils et celui-ci refuse de vous le dire. Vous vous apercevez cela ne mènera nulle part et vous décidez de retirer l'enfant du centre.
En grandissant, il devient plus fort et s'attaque maintenant aux autres enfants, et à ses frères et sœurs, il a cassé le nez du petit frère lors d'une crise, le voilà qui devient dangereux. En plus, votre mari vous quitte, il n'en peut plus et choisit la fuite. Au même moment, vous vous apercevez que vos amis ne viennent plus vous voir et ne vous invitent plus, la famille s'éloigne, votre père ne supporte pas votre fils autiste car il touche aux bibelots et à la télévision. Vous voilà seule avec votre enfant au moment où vous êtes déjà fatiguée de vous battre. Dans la rue, les passants vous lancent des regards d'indignation car votre enfant pousse des cris et ne tient pas en place, on semble vous accuser, en permanence.
Comme votre mari vous a quittée, vous voilà au social, suspectée par les assistantes sociales de ne pas être à la hauteur avec vos enfants, l'état ne vous verse pas grand-chose comme argent, et pourtant votre fils autiste casse tout : téléviseurs, ordinateurs, appareils photos, armoires, radiateurs, il déchire ses vêtements, ses draps, ses livres, et il a des exigences quotidiennes insurmontables pour votre budget : bonbons, sodas, chocolat, biscuits, pizzas… Quant aux conseils nutritionnels que vous trouvez sur les sites internets, ils sont chers, et il faut aussi vous ruiner en transports et en courriers vers les diverses institutions, associations, hôpitaux. Vous voilà pauvre, menacée par les huissiers, harcelée pour vos découverts et vos retards de paiement.
Lasse, vous décidez de chercher un centre pour accueillir votre enfant. Vous faites les démarches administratives, lourdes et intrusives. Il semble qu'à chaque fois on vous demande de vous humilier un peu plus, comme s'il fallait toujours tout justifier. On vous demande des tests à l'hôpital, la prise de sang est un calvaire car votre enfant se débat et il faut être quatre pour le tenir, l'infirmière part en pleurs, à entendre les professionnels ce sont eux les victimes, mais vous, ce que vous vivez au quotidien, tout le monde s'en fout. Vous êtes mis sur liste d'attente pour un centre spécialisé, on vous apprend qu'il y a des centres super qui font des choses d'avant-garde, mais ils sont dans un autre département, chez vous il n'y a rien ou presque. L'attente est longue, elle dure des années, vous découvrez alors qu'il n'y a pas assez de centres. Les années passent et vous subissez la violence croissante de votre enfant. Il vous faut déménager car vous ne pouvez pas l'empêcher de faire du bruit la nuit, alors vous trouvez une maison isolée dans une campagne reculée, loin du voisinage, mais loin de tout aussi. Vous ne partez plus en vacances ni en week-end, car votre enfant est ingérable dans un hôtel ou un camping, même le transporter en voiture devient dangereux pour vous, plus personne ne veut le garder, comme vous aimeriez être quelques jours sans lui ! Vous faites même vos courses en vitesse, le laissant seul à la maison, priant pour qu'il ne fasse pas une bêtise pendant ce laps de temps, car si vous le prenez avec vous en ville ou dans un magasin, vous devrez le surveiller à chaque seconde et il a des demandes si nombreuses qu'il vous harcèle, et si vous les lui refusez il risque de piquer une crise, devant tout le monde.
Le pédopsychiatre vous conseille la prise quotidienne de risperdal, la liste des effets secondaires vous fait peur.
Le résultat : votre fils s'endort et quand il se réveille il est fou furieux. Des tocs nouveaux apparaissent, il régresse, on dirait que ça lui démolit le cerveau.
Dans votre maison, vous organisez tout pour votre enfant autiste : sa chambre ressemble à une cellule de moine, tout ce qui est fragile est hors de sa portée, les murs en placo sont défoncés régulièrement, il faut aménager pour sécuriser, les fenêtres sont protégées. Vous fermez tout à clef, frigo, placards, car il fouille et pille régulièrement, détruisant shampoings, parfums, savons, mangeant les yaourts, les biscuits et bonbons du mois en un jour... Vous devez fermer la porte d'entrée et surveiller qu'il ne s'enfuit pas par la fenêtre, car il est fugueur. A chaque minute vous vous demandez ce qu'il fait et où il est. C'est un stress permanent qui vous épuise. Vos nerfs sont mis à rude épreuve, l'enfant ressent cela et quand vous craquez il perd pied et devient encore plus difficile et dangereux. Vous vivez un enfer.
En même temps, les spécialistes que vous consultez ne vous parlent que de l'intérêt de l'enfant, jamais de ceux des parents, ils ne se soucient pas de vous. Vous vous demandez parfois quel profit a la société de préserver les intérêts d'un adolescent de 15 ans qui regarde les télétubbies en boucle toute la journée ? Vous vous dites qu'on demande aux parents de sacrifier leur vie pour un enfant sans avenir. En plus, vous négligez vos autres enfants car toute votre vie tourne autour de votre enfant autiste, tout est organisé, planifié, conçu, en fonction de lui seul, toute la famille doit s'adapter, la société devrait aussi, mais elle ne le fait pas et vous le fait bien savoir. Les frères et sœurs de votre enfant autiste vont soit le rejeter totalement en ne voulant plus jamais parler de vous, soit prendront votre relais, sacrifiant eux-aussi leur vie. Ça vous fait souffrir car vous vous apercevez que vos autres enfants vont avoir des blessures indélébiles et que vous vous sentez impuissante.Cependant votre fils c'est votre vie et votre amour pour lui va au-delà de vos souffrances, c'est ce qui fait de votre vie un paradoxe.
Les professionnels, eux, poursuivent les discours éthérés, les paroles rassurantes sans aucune prise sur la réalité, et les petites piques culpabilisantes à votre encontre, mais ils semblent totalement inconscients de l'enfer que vous vivez, leur seul centre d'intérêt c'est votre enfant, ou plutôt le fait d'avoir un client, heu pardon patient, de plus la possibilité de l'utiliser comme cobaye à leurs expérimentations.
Vous recevez un nombre de réponses négatives impressionnantes : le cas de votre enfant ne correspond pas au profil requis… nous ne sommes pas compétents pour traiter ce niveau d'autisme… votre enfant est trop âgé pour notre centre… nous n'acceptons pas les adolescents… Vous constatez que pour la plupart des centres, on n'accepte pas les autistes durs, seulement les faciles, ceux qui en somme ne devraient pas avoir besoin de centres mais auraient dû être maintenus dans le système scolaire.
Alors de guerre lasse, vous acceptez de le placer en hôpital psychiatrique de jour. Mais les horaires 9 heures-16 heures, s'ils vous permettent de souffler, ne vous laissent guère de temps pour vous réaliser, qui peut trouver un travail dans un créneau aussi restreint ? Votre enfant doit reprendre des neuroleptiques, de plus en plus car on s'accoutume vite à ces drogues et les professionnels le trouvent trop dur, trop agité. Après plusieurs mois, votre enfant régresse, il recommence à déféquer dans sa chambre et s'automutile. Comme ça ne va pas, vous le retirez de l'hôpital.
Un jour, on vous annonce une bonne nouvelle : enfin un centre accepte de prendre votre fils en charge à temps complet. Vous le confiez, heureuse de pouvoir enfin retrouver un peu de liberté. Mais voilà, les doses de neuroleptiques sont encore augmentées, il grossit, perd ses cheveux, désormais il est réduit à l'état d'un légume qui bave. On lui a mis un casque de boxeur car avec les doses de cheval qu'on lui administre il peut tomber à terre à tout moment. De plus il s'habitue aux neuroleptiques et fait toujours des crises et ne tient pas en place. Alors on l'attache à son lit et on le laisse là pendant des heures. A chaque fois que vous le reprenez en vacances, vous vous apercevez Sabine avant de son déclin, il n'est qu'une loque, complètement drogué, ça vous fait peur.
Sabine et sa soeur Sandrine Bonnaire avant son placement
Un jour on vous annonce qu'il a été transféré dans un centre en Belgique, l'administration traite ainsi en délocalisant les autistes dans ces centres qui se multiplient en Belgique, là où les contrôles sont moindres. Là-bas on fait un business de l'autisme en touchant des centaines d'euros par jour et par autiste, mais les infrastructures et le personnel ne suivent pas, le but c'est juste de se faire du fric.
Après des années de combat pour votre fils, épuisée, culpabilisée, abandonnée, appauvrie, vous vous apercevez de l'absence de résultat de toutes les thérapies, centres, hôpitaux, que votre enfant n'est plus qu'une loque qui attend de mourir attaché en bavant sur son lit. Les « psys » se justifient dans l'erreur à l'infini, l'aide sociale vous renvoie toujours vers les « professionnels », on vous parle de « soins » pour des neuroleptiques qui ne soignent rien, vous pourrez rejoindre les parents d'autistes qui pullulent dans les faits divers.
A moins qu'on vous apprenne la mort subite de votre enfant à 21 ans suite à une surdose de neuroleptiques et ainsi vous finirez vos jours dans la culpabilité et les remords.
Voilà en résumé quelle est la mécanique infernale qui attend des milliers de mères. Si notre résumé vous paraît exagéré, lisez ces quelques faits divers :
Une mère suspectée d'avoir tué son enfant autiste
Quand vous allez en ville pour des choses essentielles, vous êtes contraint d'emmener votre fils autiste et voici ce qui vous arrive
Si vous décidez de sortir sans lui, voici ce qui vous arrive
Quand vous n'en pouvez plus
Quand on abuse des neuroleptiques
Ce qui arrive aux enfants autistes internés
Un parcours typique
Scandale des interments en Belgique
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