une brique dans le mur

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La nutrition barbare

Selon les recherches sur les premiers humains, nos ancêtres étaient chasseurs-ceuilleurs nomades.

 

 

La nourriture était constituée de gibier, de baies et de racines, de feuilles et d'un peu de graines sauvages. Au niveau nutritionnel, il y avait essentiellement des protéines, des lipides, des fibres, et des glucides faibles, mais pas de sucres lents. Il n'y avait ni lait, ni sucre, ni céréales, ni tout ce qui est considéré comme indispensable aujourd'hui.

A partir du Néolithique, il y a 10000 ans, l'humain se sédentarise et change son alimentation. Il commence à élever des animaux et développe l'agriculture, produisant des céréales (blé, seigle, orge) et des légumineuses. Cet agriculteur-éleveur du Néolithique a réduit la variété de son alimentation car seuls quelques animaux et seules quelques espèces végétales pouvaient être produits. Sur la santé, cela provoqua des carences, diminuant leur espérance de vie et puis l'agriculture se révéla plus pénible en efforts physiques que la traque et la chasse du gibier. De plus, l'agriculture humaine est partie dès le départ sur de mauvaises bases : en retournant la terre, l'humain désorganise la vie bactérienne du sol, en dénudant le sol, il nuit au cycle naturel de l'humus et appauvrit donc le sol, obligeant à trouver des fertilisants pour compenser. Et enfin, on a découvert récemment qu'une plante s'adapte à un type de sol et qu'il suffit de replanter les graines d'une plante dans le même lieu où elle a déjà poussé pour accroître son efficacité. Les principes de permaculture découverts récemment montrent que l'humain du Néolithique aurait pu produire plus de nourriture pour moins d'efforts. En cela, les civilisations amérindiennes ont développé des techniques plus intelligentes et plus respectueuses du milieu naturel que les européennes et asiatiques.



 

L’homme primitif avait vécu en harmonie et en équilibre avec la nature et lorsque sa nourriture naturelle se déplaçait du fait des migrations des espèces ou du cycle des saisons, il se déplaçait avec elle. En se sédentarisant, il s’imposa de nouvelles contraintes et de nouvelles restrictions.
Car en sortant de ce quasi paradis terrestre pour devenir autonome par rapport à ses sources d’approvisionnement alimentaire, l’agriculteur-éleveur dut notamment faire face à de nombreux nouveaux risques : risques des caprices du climat, risques au niveau du choix des variétés et des espèces plus ou moins productives et fragiles, mais risque aussi sur le choix des sols plus ou moins adaptés.
Par ailleurs, l’émergence de l’agriculture et de l’élevage généra une politique nataliste et productiviste de la part des intéressés. Devant la peur de manquer, l’agriculteur n’eut en effet de cesse de penser qu’il fallait produire plus et que pour cela, il avait besoin de bras supplémentaires.
Sans le savoir, le laboureur et ses enfants ont ainsi ouvert la porte à un cercle vicieux. En contribuant à un essor démographique constant, les risques et la gravité des disettes du fait des mauvaises récoltes en étaient d’autant plus catastrophiques.

 

 

Le paysan a alors été à la base des civilisations : au proche-orient Sumériens, Egyptiens, Hittites puis Phéniciens, Perses, Hébreux, et enfin les Grecs.

 

 

Les Grecs anciens sont à la base de la civilisation occidentale. Or les philosophes grecs ont développé une pensée sur la nutrition qui a eu des conséquences jusqu'à aujourd'hui. En effet, pour ceux-ci, l'homme civilisé transforme et exploite la nature à son profit, de ce fait l'agriculteur avec son travail difficile est valorisé, tandis que l'éleveur de troupeaux et le chasseur-cueilleur sont considérés comme des fainéants, le nomadisme et le semi-nomadisme sont relégués au monde barbare tandis que l'homme civilisé lui se doit d'être sédentaire et de considérer la nature comme de la matière à travailler. On est pas loin du concept industriel qui consiste à prendre de la matière première pour en faire un produit.

La civilisation grecque s'est étendue sur tout le proche-Orient, mais les Romains, eux, depuis l'Italie ont constitué un empire de l'Ecosse à l'Arménie et du Danube au Sahara.

 

 

 

Les Romains étaient à la base de gros consommateurs de viande, notamment du porc. Puis les besoins militaires les ont contraint à modifier leur alimentation : pour nourrir les nombreuses légions en campagne, le blé a de nombreux avantages. Le grain se conserve longtemps et se transporte par chariots, sous forme de farine les soldats romains le cuisaient pour manger du pain blanc qui est très énergétique. Ils le cuisaient aussi pour former un « biscuit » (bucellatum) de plusieurs kilos, que chaque soldat pouvait porter avec son équipement et qui assurait deux semaines de vivre.

 

 

 

Ainsi le blé est devenu peu à peu l'aliment préféré du légionnaire, et comme les légions romaines ont eu un fort impact culturel dans les régions conquises européennes (Grande-Bretagne, Gaule, Espagne, Europe centrale, Balkans…). L'alimentation à base de blé n'a pas été sans conséquences sur la physiologie des Romains : diminution de la taille, caries, carences diverses. Le blé qui contient des substances similaires à certaines drogues, rend dépendant les gens, et les rend patauds, solides et résistants, mais peu inventifs, lourds, lents et peu enclins à la révolte. Idéal pour les légionnaires qui devaient surtout occuper le terrain et être capable de porter de lourdes charges, et à qui on demandait surtout l'obéïssance et la discipline. En revanche, lorsque les Romains avaient besoin de troupes mobiles et agiles, ils recrutaient des auxiliaires barbares, notamment des Germains. C'est une des raisons principales du besoin qu'ont eu les dirigeants romains d'intégrer des barbares comme aujourd'hui nos dirigeants ont besoin de migrants, surtout pour les métiers physiques ou les sports de haut-niveau.

 

 

 

De son côté, le barbare germanique avait une alimentation plus diversifiée que le soldat romain : s'il cultivait aussi des céréales, elles étaient plus variées, et il chassait, cueillait, et élevait des animaux en semi-liberté. Par exemple les porcs étaient élevés dans les grandes forêts de chêne de Germanie, on les retrouvait grâce à des cloches fixées à leur cou.

Le poisson d'eau douce peut être localement abondant dans les rivières et les étangs, permettant facilement un approvisionnement en protéines les jours maigres, pendant lesquels la viande est interdite par la religion chrétienne. La viande est salée pour être conservée par les paysans, qui la consomment souvent bouillie, avec des céréales, légumes ou légumineuses. Elle est généralement consommée rôtie ou braisée par les seigneurs. Beurre et lait sont des signes de culture culinaire barbare, nourriture des Bretons, les Gallo-romains préférant l'huile d'olive et le fromage. Mais les Francs sont de grands amateurs de lard. Le fromage est souvent du fromage de chèvre, à la rigueur de brebis (les moutons sont surtout élevés pour leur laine et leur viande), les bovins étant avant tout des animaux de trait, il y a encore peu d'élevage de vaches laitières.

 

 

Les conséquences ont été que les barbares germaniques ont été souvent plus grands et plus forts que les Romains, plus agressifs aussi car la viande rouge a tendance à accentuer ces côtés là chez l'humain. On comprend que mieux nourris, ils ont été de plus en plus nombreux au moment où l'empire romain lui était en déclin démographique, certainement dû à la faible productivité des champs de céréales de l'époque et aux carences alimentaires du régime à base de blé. Cela peut être une des raisons du triomphe des Germains sur Rome au 5ème siècle.

 

 

Le haut-moyen âge européen est une période où les cultures romaines et germaniques se mélangent. C'est la dernière période de notre histoire où le peuple a eu une alimentation diversifiée non exclusivement basée sur le pain.

 

Le capitulaire de Charlemagne, De villis vel curtis imperialibus (Des terres et cours impériales), acte législatif édité vers l'an 800, donne une liste de 90 plantes et arbres fruitiers dont la culture est recommandée dans les jardins de l'empire. On y trouve des légumes identiques à ceux de la période romaine : navet, chou, poireau, carotte, panais, salades et herbes à porées. Cette liste est un peu théorique : certains légumes sont plus faciles à cultiver dans le midi de la France (concombre, melon, fenouil...) que sous le climat de la région d'Aix la Chapelle.

A remarquer dans cette liste : le haricot (fasiolum) est en fait le haricot dolique européen et non le haricot que nous connaissons habituellement, qui vient d'Amérique et la courge (cucurbitas) est la gourde calebasse, à ne pas confondre avec la courge américaine. Inutile donc de chercher dans cette liste tomate, pomme de terre ou courgette, eux aussi originaires d'Amérique et inconnus en Europe avant la fin du 15e siècle, ou l'aubergine, connue des arabes au 8e siècle, mais qui n'arrive en Catalogne qu'au 14e siècle.

Les légumes sont cultivés dans les jardins potagers des villes et des campagnes. Les paysans ne payent pas d'impôts sur la récolte de leur potager et peuvent complémenter leur alimentation par la cueillette des herbes aromatiques et des herbes comestibles le long des chemins ou dans les champs.

En dehors du pain, consommé par tous, céréales et légumes sont des nourritures qui conviennent davantage aux paysans pauvres ou aux moines qui font vœu de pauvreté qu'aux guerriers et aux nobles, qui ont le pouvoir et ont besoin de la force apportée par la viande. Cette idée d'une alimentation liée à la classe sociale va se poursuivre et se développer pendant toute la période médiévale.

 

 

Jusqu'à aujourd'hui :

Le moyen-âge a été une période de transition alimentaire assez dure pour le peuple. L'essor démographique, notamment des villes a été le moteur de cette transition. En effet, les bourgeoisies urbaines ont peu à peu dominé l'arrière-pays rural pour le mettre au service du ravitaillement urbain. Là encore, comme pour les légionnaires, le plus simple et le plus efficace est d'importer du blé pour que les boulangers fassent du pain. Le pain est devenu l'aliment des masses urbaines et les paysans forcés de le produire. Par ailleurs, à partir du 9e siècle, la chasse est devenu le privilège du seigneur. Les populations européennes se sont retrouvées beaucoup plus qu'auparavant dépendantes des aléas saisonniers et les foules des villes ont été sensibles au prix du pain, devenu l'indice de leur misère ou de leur mieux-être. Des famines ont eu lieu épisodiquement et souvent des disettes. Apparaissent aussi des spéculateurs du blé, n'hésitant pas à faire monter les prix en affamant le peuple. On croit que les découvertes de nouvelles espèces à cultiver en Amérique à partir du 16e siècle, ou celles transmises par les Arabes, ont permis de diversifier la nourriture des Européens et d'améliorer la condition de vie du peuple, il n'en est rien. Si le maïs et la pomme de terre ont une productivité plus grande que le blé, elles ont été introduites tardivement par rapport à l'époque de leur découverte (18e siècle) et cela n'a pas résolu le problème des carences alimentaires. Le devéloppement de la betterevave sucrière a permis d'améliorer la productivité en supprimant la jachère, mais le sucre, s'il permet de créer de nouvelles recettes, n'est pas en soi un progrès alimentaire, mais contribue plutôt à son déclin. Car le sucre, comme le sel, s'ils rendent le plat plus appétant, trompent nos sens et nous font oublier le vrai goût des aliments. Ainsi peu de gens savent quel est le goût réel d'une frite puisqu'elle est souvent noyée dans le sel.

 

 

 

 

La colonisation de l'Amérique du nord a aussi des conséquences sur l'alimentation occidentale : à partir du 19e siècle, la constitution de vastes troupeaux de bœufs dans les grandes plaines va réduire le prix de la viande de bœuf. Les Etats-Unis d'Amérique vont attirer des millions de migrants européens en leur offrant une alimentation basée sur le pain et le steack de bœuf, ce qui va créer le célèbre Hamburger et connaître ensuite un succès mondial. Peu à peu, on tend vers une alimentation basée sur le blé, le bœuf, la pomme de terre (les frites). Comme autrefois pour les Romains, les U.S.A. ont limité la diversité alimentaire à des fins impérialistes. Il s'agit d'une rationalisation de type industriel avec recherche de l'efficacité maximale : nourrir les masses, accroître sa population, tout en développant l'agro-industrie. Cette alimentation made in USA a les conséquences que l'on sait : obésité, diabète, et problèmes cardio-vasculaires. Cette alimentation vient du fait que l'on gère la population comme un troupeau de bœufs, peu importe qu'ils engraissent, l'important est qu'ils soient nombreux.

 

 

 

Ere industrielle : la diversification dans l'uniformité.

L'ère industrielle a considérablement modifié notre alimentation. Le chemin de fer, puis la route et le frêt aérien ont permis l'approvisionnement de magasins d'alimentation toujours plus grands avec des produits de plus en plus éloignés. Normalement cela aurait dû diversifier notre alimentation et nous permettre enfin de manger mieux. Malheureusement cela ne fut pas le cas, voici pourquoi :

Tout d'abord l'industrie n'a eu de cesse de choisir ses produits sur des critères d'efficacité commerciale et non sur l'intérêt collectif. Ainsi pour chaque espèce agricole, une ou deux sont privilégiées et les autres abandonnées. Par exemple le maïs est une plante qui a une centaine de variétés, mais une seule est privilégiée par l'agro-industrie, privant ainsi agriculteurs et consommateurs d'une diversité. Il en est de même pour les fruits, les légumes, et toutes les céréales. Jusqu'à nos livres de recette qui n'utilisent pratiquement qu'une ou deux céréales (blé et maïs) et le lait de vache. Le blé par exemple, ne se trouve pratiquement dans notre alimentation qu'avec la farine de froment et l'industrie a multiplié les produits avec cette seule céréale : différentes sortes de pâtes, pizzas, beignets, tartes, gâteaux, biscuits, le froment est partout, difficile d'y échapper. L'industrie laitière s'est développée à tel point que le lait de vache est consommé chaque jour de façon abusive. L'industrie a compris tôt l'intérêt qu'elle avait de convaincre les peuples du monde que le lait de vache était un aliment indispensable au développement de l'enfant : le lait de vache a été transformé en poudre afin de se substituer au lait maternel, lequel est pourtant infiniment plus riche et composé d'anticorps. Ainsi gluten et caséine, protéines pourtant indigestes, sont consommés quotidiennement depuis la naissance.

 

 

 

Ensuite, l'industrie modifie les aliments pour améliorer leur conservation et leur aspect extérieur : irradiant les fruits, notamment ceux venus d'outre-mer, et augmentant les traitements chimiques divers. Les farines de froment de blé sont enrichies au gluten afin d'augmenter leurs capacités de panification. L'industrie en proposant de plus en plus de plats tout faits et d'aliments transformés cherche aussi à diminuer ses coûts de fabrication, transformant les recettes aux dépends de la santé et de la diversité alimentaire : ainsi l'industrie utilise-t-elle le sirop de glucose pour sucrer plus efficacement, l'huile de palme pour former des pates plus malléables, et un nombre de conservateurs et autres produits chimiques impressionnants. L'industrie en modernisant l'agriculture utilise des pesticides de plus en plus nocifs, et pour permettre de cultiver les mêmes espèces dans tous les climats et tous les types de sol, l'industrie a choisi de modifier les espèces génétiquement au lieu d'utiliser la biodiversité. Enfin, la viande est devenu l'aliment phare de tous les magasins, et sa consommation a considérablement augmenté, au-delà des réels besoins nutritionnels. Cela a provoqué l'élevage intensif, lui aussi consommateur d'engrais chimiques, mais pour nourrir ces troupeaux immenses, on importe du maïs et du soja transgénique d'Amérique et comme les bêtes tombent plus souvent malades, on leur innocule toujours plus de vaccins et d'antibiotiques.

 

 

 

Tout cela a de graves conséquences sur la santé : explosion de l'obésité dans le monde, diabète, multiplication des cancers et des maladies neurologiques. Cela a en outre des conséquences écologiques dramatiques : désertification, destruction des forêts primaires, assèchement des nappes phréatiques, pollution des eaux et des sols, destruction de la biodiversité. Quant aux conséquences sociales de la fin du modèle agricole en place depuis le Néolithique elles sont tout autant désastreuses : exode rural, bidonvilles, migrations, chômage de masse, fin de la gratuité du vivant. L'humain est de plus en plus dépendant, le paysan pouvait vivre de son propre travail tandis que l'humain moderne occidental doit trouver du travail dans une économie mondialisée avec une concurrence exacerbée.

 

 

 

En conclusion, on s'aperçoit que l'alimentation humaine a un fort impact sur notre santé, notre caractère et notre physiologie. L'alimentation occidentale actuelle que l'on veut exporter partout (froment-lait-viande) si cela couvre en apparence nos besoins nutritionnels et nous a fait grandir, d'un autre côté nous a aussi fait grossir, nous rend patauds, dociles et endurants à la tâche comme jadis le légionnaire romain, cette alimentation est idéale pour faire de nous de bons ouvriers d'usine. L'humain occidental s'affaiblit dans un second temps, nous devenons plus maladroits, moins athlétiques, moins agiles, nous avons des problèmes de poids, de peau, de coeur, et nous devenons idiots : hyperactifs, dépressifs plus ou moins chroniques, autistes, bipolaires, bordelines, schizophrènes, alzeihmers et parkinsons, sans parler des innombrables tocs et manies diverses. D'une façon générale, c'est toujours plus d'êtres humains qui sont comme le dit l'expression populaire « à côté de la plaque ».

 

 

L'humain moderne actuel n'est pas en bonne santé mentale et c'est dû principalement aux pollutions et à son alimentation, laquelle est au finale non pas civilisée comme l'avaient pensé les philosophes grecs, mais véritablement barbare.



 

 

 

Rien ne vaut les antiques livres de cuisine...

Un livre de cuisine : Excerpta de Vinidarius

Le seul livre de cuisine romaine qui nous soit parvenu est le De re coquinaria, attribué à Apicius, un riche gourmet de l'époque de Tibère, réputé pour ses dépenses alimentaires extravagantes et son goût du raffinement. En fait Apicius n'est présenté comme l'auteur de recettes de cuisine qu'à partir du 4e et 5e siècle.

La dernière partie, appelée Excerpta (extraits) d'Apicius, est attribuée à Vinidarius. La langue des Excerpta est postérieure à la première partie du De re coquinaria, elle daterait du 6e siècle.

Vinidarius est un Ostrogoth de la noblesse (il est appelé viro inlustri, illustre). Les Ostrogoths ont colonisé l'Italie dans la première moitié du 6e siècle et sont chassés d'Italie à partir de 552 : Les Excerpta seraient donc antérieures aux années 550.

Les Excerpta présentent une liste d'épices, de graines, de plantes séchées, de boissons et de fruits à coques, suivie de 31 recettes, en majorité des sauces ou des viandes et poissons en sauce. On constate à la fois une continuité avec la cuisine de la première partie du De re coquinaria et une évolution. Par exemple, dans les Excerpta, certaines herbes aromatiques sont moins présentes (rue, menthe, cumin, sarriette, thym) ou même absentes (persil ou fenouil). Le safran sert désormais pour colorer les sauces et le nard, héritage de la mode de la cuisine de Byzance, est utilisé dans deux sauces. Le clou de girofle fait sa première apparition dans la liste des épices, mais il ne sera utilisé en cuisine que chez Anthime.

Miel, garum, vinaigre et vin paillé, typiques de la cuisine romaine antique, sont très présents, Les légumes entrent dans la préparation de plusieurs plats (choux, bette, brocoli, poireau, céleri), comme les fruits (dattes, raisins secs, pignons).

Parmi les 17 recettes de viandes, 7 concernent le porc, les autres l'agneau, le chevreau, le poulet, les tourterelles, perdrix et grives. Parmi les 13 recettes de poissons sont cités rascasse, germon, surmulet, murène, sole et langouste. Certaines recettes sont très proches du De re coquinaria.

 

 

 



De re coquinaria

Le livre d'Apicius est très présent pendant le Haut Moyen Age, cité par Isidore de Séville (560-636), copié par les moines des abbayes de Fulda et de Tours, à l'époque carolingienne. Un seul manuscrit de Vinidarius a été retrouvé.

Peut-on en conclure que la cuisine des élites est plus proche de la cuisine gallo-romaine que de la cuisine des Germains ?

Liliane Plouvier, historienne médiéviste de Bruxelles, qui a publié Festins mérovingiens avec Alain Dierkens, parle de la modernité culinaire de Vinidarius, et propose, en exemple, une recette de germon (thon), qui serait peut-être à l'origine de la sauce tartare (rappelons que Vinidarius est Ostrogoth et que le mot tartare désigne souvent les "barbares nordiques") :

Pilez du poivre, des graines de livèche, de l'origan, de l'oignon sec, des jaunes d'œuf cuits durs, du vinaigre et de l'huile. Amalgamez le tout et versez sur le poisson. (n°12 – traduction J. André).

 

 

 

Un livre de diététique : De observatione ciborum d'Anthime

A la même époque, paraît un livre de diététique : De observatione ciborum, écrit par Anthime, médecin grec de Thierry 1e (roi des Francs et fils de Clovis de 511 à 533). Anthime a fait ses études de médecine à Byzance. Exilé, il s'est réfugié à la cour de Théodoric à Ravenne. Ce dernier, rival de Thierry 1e l'a ensuite envoyé à la cour du roi franc pour l'impressionner.

 

 

 

 

 

 

 

Anthime écrit, en latin, pour Thierry 1e un traité de diététique sous forme de lettre (Epistula anthimi), comprenant une préface et un catalogue de 91 paragraphes présentant des aliments, avec des indications médicales et culinaires.

Le De observatione ciborum se rapproche davantage des livres de diététique antique que du livre de cuisine De re coquinaria. Mais, contrairement aux livres de diététique traditionnelle, il se contente de développer la partie description des aliments en oubliant les indications médicales traditionnelles aux livres de diététique hippocratique concernant le climat ou les exercices physiques. Et les indications diététiques sur les aliments se transforment parfois en recettes de cuisine.

Ces recettes sont très souvent présentées de manière sommaire :

La tétine de truie, elle aussi, est bonne frite ou bouillie. [… ] La plie ou la sole … conviennent bien bouillies dans l'huile et du sel. (Traduction C.Deroux).

Elles peuvent être plus développées :

Les lièvres, quand ils sont jeunes, conviennent, eux aussi, s'ils sont mangés avec une sauce douce contenant du poivre, quelques clous de girofle, du gingembre, du costus, du nard, épi ou feuille. (Traduction C.Deroux).

On retrouve ce mélange d'épices (le gingembre étant remplacé par le poivre) dans une recette nettement plus détaillée de vache braisée. Cette recette rajoute du vinaigre et du miel ou de la sapa (vin cuit réduit de moitié) pour donner à la sauce une saveur aigre douce très romaine.

De même que Vinidarius s'inspirait de la cuisine romaine tout en apportant des innovations, Anthime présente des indications culinaires ou diététiques dans la tradition gréco-romaine, des aspects de la tradition culinaire franque, mais également des recettes nouvelles. Liliane Plouvier estime qu'Anthime est "l'inventeur" d'une recette proche des œufs à la neige (Afratus) et d'une autre qui annonce les quenelles de brochet (Spumeum de brochet), peut-être des recettes d'origine byzantine.

Le porc (viande plus germaine que latine) concerne 7 paragraphes, le lard remplace l'huile d'olive. Anthime justifie même la pratique germanique de manger du lard cru alors que dans la tradition romaine, le cuit est supérieur au cru : ce médecin s'adapte à la culture franque de son maître, en bon diplomate qui n'ose désapprouver certaines pratiques, même si elles semblent contraires à la culture médiale antique, tout en indiquant, malgré tout, ce qui est meilleur !

 

 

 

De observatione ciborum

Anthime recommande donc la cervoise mais propose de réserver laitages et beurre, dont les Francs sont de grands amateurs, pour les malades et conseille l'huile d'olive. Il propose de privilégier la cuisson des aliments et la viande bouillie (symbole de civilisation), meilleurs pour la santé, selon la théorie hippocratique des humeurs, alors que les Francs aiment la viande rôtie (symbole de barbarie), voire crue. Il condamne la consommation excessive de viande et lait pour privilégier les légumes, selon l'habitude antique.

Viandes d'élevage (porc, agneau, chevreau, bovins), viandes de basse cour (poule, coq, oie, paon, faisan) et gibiers à poil (chevreuil, sanglier, lièvre) ou à plumes (tourterelle, étourneau, grue, perdrix, pigeon, moineau, becfigue, canard et outarde) sont étudiés. Poissons de rivière (truite, perche, brochet, saumon, esturgeon, anguille, goujon, lamproie) ou de mer (plie, sole, peigne de mer) ainsi que les huîtres sont également décrits. Mais 44 % des aliments décrits concernent légumes ou céréales.





 

 



24/02/2021
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